DES SAINTS INNOCENTS
Je n'ai qu'un corps, pensent-ils (ne pensant qu'à leur
corps terrestre) Si cette sale lèpre me prend, je suis perdu (Ils veulent dire que leur corps temporel est temporel-
lement perdu). C'est une maladie qui prend toujours et qui ne rend
jamais. C'est une pourriture sèche qui fait avancer toujours et
toujours Les bords des lèvres de ses affreuses plaies. Si je suis pris je suis perdu.
Ça commence par un point, ça finit par tout le corps. Ça ne pardonne pas, quand c'est commencé c'est fini. C'est une maladie impossible à défaire. Elle défait tout, ce qui est parti ne revient jamais plus.
Elle rompt tout. Ce corps que j'ai (et qu'ils aiment tant) tomberait en
poussière et en lambeaux Et en cette sale farine granuleuse et ne me reviendrait
jamais plus. C'est une gangrène irrévocable et qui ne retourne
jamais en arrière. Or ils y tiennent à leur corps. On dirait qu'ils croient
qu'ils n'ont que ça. Ils savent pourtant bien qu'ils ont une âme. La vie est
l'union de l'âme et du corps, La mort est leur séparation. Mais leur corps leur parait Solide et bon vivant. Ils ont l'impression que la lèpre anéantira tout leur
corps et qu'elle les tiendra jusqu'au bout (ils ne con- sidèrent point qu'au bout de ce bout
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