Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment de l’individualité ne s’évanouit-il pas dans l’instantanéisme ? — À vrai dire, cette opposition est toute théorique. En fait, le sentiment de l’individualité combine ces deux éléments en les conciliant à chaque instant de son devenir. D’une part, Schopenhauer a raison de dire que notre individualité nous accompagne partout et teinte de sa nuance tous les événements de notre vie : d’autre part, Stirner a raison de dire que l’Unique est instantané. Mais tous ces états d’âme instantanés qui se succèdent comme un défilé d’images cinématographiques ont tous une teinte commune, une même coloration sentimentale. Cela suffit pour que nous nous reconnaissions. Cela suffit pour que le sentiment de notre individualité soit possible. L’instantanéisme absolu de Stirner est une exagération et une contre-vérité psychologique. L’instantanéisme absolu exclurait tout sentiment et toute culture de la « différence » humaine, toute notion de l’unicité.

La sensibilité individualiste entre inévitablement en conflit avec la société où elle évolue. La tendance de cette dernière est en effet de réduire autant que possible le sentiment de l’individualité : l’unicité par le conformisme, la spontanéité par la discipline, l’instantanéité du moi par l’esprit de suite, la sincérité du sentiment par l’insincérité inhérente à toute fonction socialement définie, la confiance en soi et