Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/130

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raisonnées. Ici, la prétendue unité de la science est rompue. Il va de soi que la partie formelle et métaphysique est celle qu’ont surtout cultivée les anarchistes. Elle procure à ceux qui s’y adonnent une ivresse intellectuelle qui leur donne une formidable illusion de puissance. Elle remplace la religion, elle comble le vide laissé dans l’âme par la foi évanouie. On possède le monde ; on le tient en quelques formules simples et claires : quel empire ! et quelle revanche pour un isolé, un solitaire, un sauvage ! il échappe à la faiblesse et à la misère inhérentes à sa solitude, et le voilà maître de l’Univers[1] ! » — De cet intellectualisme scientiste découle l’autoritarisme anarchiste. « L’intellectualisme anarchiste — il n’échappe pas à la loi de tout intellectualisme — aboutit ainsi au plus parfait autoritarisme. C’est fatal. Il n’y a pas place pour la liberté dans un système intellectualiste, quel qu’il soit. La liberté, c’est l’invention, le droit et le pouvoir de trouver quelque chose de nouveau, d’ajouter du neuf à l’univers : mais s’il y a une vérité une et universelle, qui nous est révélée par la religion ou par la science, et en dehors de laquelle il n’y a ni bonheur individuel, ni ordre social, la liberté n’a pas de raison d’être, elle n’existe que négativement ; la science réclame la liberté contre la religion, et quand la science domine, la religion réclame la liberté contre la science, mais comme il ne peut exister deux vérités unes et uni-

  1. Éd. Berth, loc. cit., p. 14.