Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/88

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Beaucoup de romanciers contemporains ont mis en lumière, en de fines analyses, ce qu’il y a d’instable, de précaire et pour tout dire d’irréel dans la conscience morale. C’est M. André Gide, dont le roman l’Immoraliste est l’analyse d’un cas curieux — pathologique, a-t-on dit, mais est-ce sûr ? — d’une mutation et comme d’une inversion de la conscience morale survenue chez le héros à la suite d’une maladie et d’un retour à la santé qui bouleversent sa physiologie. « Rien de plus tragique, pour qui crut y mourir, qu’une lente convalescence. Après que l’aile de la mort a touché, ce qui paraissait important ne l’est plus ; d’autres choses le sont, qui ne paraissaient pas importantes, ou qu’on ne savait même pas exister. L’amas sur notre esprit de toutes connaissances acquises s’écaille comme un fard et, par places, laisse voir à nu la chair même, l’être authentique qui se cachait. Ce fut dès lors celui que je prétendis découvrir : l’être authentique ; le « vieil homme », celui dont ne voulait plus l’Évangile ; celui que tout, autour de moi, livres, maîtres, parents, et que moi-même avions tâché de supprimer…[1]. »

Tel est aussi le romancier norvégien Johan Bojer avec son étrange roman : la Puissance du Mensonge où est admirablement analysé le travail d’imagination selon lequel les personnages plient les faits à leurs sentiments et font le mal en s’assurant la paix d’une bonne conscience.

  1. A. Gide, l’Immoraliste, p. 82.