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G. PARIS

une des incarnations les plus complètes et les plus typiques de la poésie romantique et chevaleresque. Il m’a semblé intéressant de rappeler ce souvenir dans une réunion tenue à Toulouse. Les vents et les oiseaux ont dispersé par le monde une semence de poésie qui avait germé dans une terre féconde entre toutes : j’ai voulu rassembler les fleurs qui en sont nées et qui, sous les cieux les plus divers, se sont richement épanouies, et les rapporter en hommage au sol dont elles sont originaires[1][2].

  1. À vrai dire, c’est plutôt pour la Catalogne que pour la France méridionale que parlent les indices relevés plus haut.
  2. Note additionnelle. – C’est M. Lüdtke qui a eu la pensée de voir dans l’aventure de Bernard de Septimanie, Barcelone et Toulouse, et de l’impératrice Judith la base historique des poèmes ou romans qu’il a groupés comme on vient de le voir. Les critiques qui, avant lui, s’étaient occupés de ces œuvres, Wolf et Grundtvig (voy. dans son livre les citations de leurs écrits), n’y avaient vu que des variantes de la légende de l’impératrice Gunhild, d’origine, à leur avis, anglo-saxonne ou anglo-danoise, à laquelle ils rattachaient aussi celles de Gundeberge, de Sebile, d’Olive, de Geneviève, etc. ; cette légende elle-même n’était d’ailleurs qu’une variante du thème, originairement mythique, de « l’épouse innocente persécutée. » M. Pio Rajna (voy. ci-dessus, p. 19, n. 1) a montré qu’on ne saurait guère contester la réalité essentielle de l’histoire de Gundeberge, racontée par un contemporain quatre siècles avant l’époque où a vécu Gunhild. Ses pénétrantes remarques n’ont pas convaincu M. Nyrop, qui déclare (Storia dell’ epopea francese, p. 122) qu’il ne peut absolument pas se rallier à cette façon de considérer la légende, et qu’à son avis Grundtvig a parfaitement raison de voir dans l’histoire de Gundeberge une variante langobarde du conte si répandu de l’épouse innocente persécutée.

    M. Lüdtke ne paraît pas avoir connu l’étude de M. Rajna, qui d’ailleurs, ne tenant compte ni du Comte de Toulouse ni des récits parallèles, ne touchait qu’indirectement son sujet. En revanche, il s’est attaché à réfuter l’opinion de Wolf et Grundtvig rattachant le Comte de Toulouse (ainsi que le groupe catalan et le groupe III) à la légende de Gunhild. Il signale (pp. 91–92) comme caractérisant le Comte de Toulouse dans sa forme primitive les traits suivants : l’accusation d’adultère est portée par deux courtisans ; l’impératrice est emprisonnée et sera brûlée si au bout d’un délai fixé il ne se présente personne pour combattre ses accusateurs ; un comte, qui était mal avec l’empereur, l’ayant appris par hasard, se rend incognito, accompagné d’un chevalier, à la cour de l’empereur ; déguisé en moine grâce à la connivence d’un abbé, il acquiert, par la confession de