Page:Pasteur - Œuvres complètes, tome 6.djvu/9

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lapin, qui n’est pas un si mauvais terrain d’expérience qu’on a bien voulu le dire.

M. SANSON : Dans l’esprit de M. Pasteur, est-ce l’absence de fureurs rabiques qui le porte à penser que l’affection dont ses lapins sont morts n’est pas la rage ?

M. PASTEUR J’ai déjà dit tout à l’heure que l’affection que j’ai observée diffère totalement de la rage telle que l’a décrite M. Galtier, et par les symptômes, et par les lésions, et par l’absence de la période d’incubation, qui est, en moyenne, de seize à dix-huit jours, et surtout parce que, transmise au chien, elle ne reproduit en rien la rage du chien, qui est bien connue depuis longtemps ; mais je me garderai bien d’affirmer qu’il n’existe aucune relation entre cette maladie et la rage de l’enfant ; car il ne faut pas oublier que c’est la salive du malade qui en a été le point de départ ; que MM. Lannelongue et Maurice Raynaud [1] sont arrivés de leur côté à transmettre la même affection par l’inoculation au lapin de la salive recueillie avant la mort de l’enfant qu’enfin, la maladie peut se transmettre indéfiniment par l’inoculation de la salive des animaux d’expérience aussi bien que par l’inoculation du sang ; il faut donc apporter la plus grande réserve dans la discussion de ces faits, inexplicables en l’état actuel de la science, mais qui n’en sont pas moins réels et positifs.

Il ne serait pas difficile de trouver des hypothèses permettant d’expliquer ces phénomènes étranges ; ce que nous savons de l’atténuation possible du virus du choléra des poules, qui peut atteindre tous les degrés de la virulence, ne pourrait-il s’appliquer au virus rabique, lent dans ses effets lorsqu’il s’agit du chien, plus violent, plus rapide lorsqu’il aurait passé par tel ou tel terrain ?

La durée si variable de la période d’incubation, même chez le chien, ne trouverait-elle pas sa raison d’être dans l’état de l’organisme virulent au moment de l’inoculation ? Adulte, il se multiplie et tue le sujet avec une extrême rapidité ; plus âgé, son évolution est ralentie ; à l’état de germe, il lui faut d’abord le temps de germer, de devenir adulte avant de proliférer ; là peut être la cause de la durée de l’incubation.

Encore une fois, toutes les hypothèses sont permises en cette matière la difficulté est de les passer au crible de l’expérimentation.

M. NOCARD : Je demanderai à M. Pasteur s’il a inoculé le sang de l’enfant en même temps que la salive ?

  1. RAYNAUD et LANNELONGUE. Recherches expérimentales sur la transmission du virus rabique de l’homme au lapin. Bulletin de l’Académie de médecine, 2e sér., X, 1881, p. 61-71. (Note de l’Édition.)