Page:Paul Leroy-Beaulieu,Le travail des femmes au XIXe siècle,1873.djvu/53

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presque autant que sa nature physique. La connaissance précise du salaire des ouvrières à notre époque, c’est donc à la fois le point de départ et le point d’appui de toute considération et de toute théorie sérieuses sur le rôle et le sort des femmes au dix-neuvième siècle : mais il n’est rien de si multiple, de si varié et de si complexe que les questions de salaire. Rien n’est si local et si relatif que la rétribution de la main-d’œuvre. Entreprendre de fixer, ne serait-ce que d’une manière approximative, les taux des salaires à une époque donnée, dans un pays de quelque étendue, c’est vouloir saisir et graver un tableau, non-seulement d’une complication extrême et qui touche à la confusion, mais encore dont les nuances sont mouvantes, changeantes et qui, au second coup d’œil, n’est déjà plus ce qu’il était au premier regard.

Dans notre temps, que dominent l’esprit scientifique et les préoccupations positives, l’on croit avoir tout dit quand, sur des informations généralement bornées, l’on a dressé une statistique et enfermé dans la rigueur de quelques chiffres des phénomènes élastiques et et variables : l’on croit avoir recueilli tous les éléments nécessaires à la solution d’une question sociale, quand, par des combinaisons plus élémentaires ingénieuses, on a obtenu des moyennes, c’est-à-dire des entités qui n’ont qu’une existence idéale et auxquelles rien ne répond dans la vie réelle. C’est une des grandes difficultés des sciences morales que cette complexité et surtout cette variabilité des phé-