Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/201

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dacieux, et téméraire même : ainsi le veut le métier. Les fumistes sont encore plus téméraires que les couvreurs, puisque les cheminées sont plus hautes que les toits. D’ailleurs ce qui nous semble témérité chez eux est une espèce particulière de sérénité, une accoutumance à demeurer dans les hauteurs. Il aime à causer. Vous parlez à lui, vous allez, vous allez, vous parlez devant lui. Enfin à un mot, à un geste, vous vous apercevez qu’il vous faisait poser, qu’il vous faisait marcher, qu’il faisait la bête, qu’il savait parfaitement ce qu’il vous a fait dire. C’est une espèce d’humeur qui m’a semblé très fréquente parmi les ouvriers, au moins en cette province, en particulier parmi les ouvriers du bâtiment. Les ouvriers du bâtiment sont naturellement des faiseurs de palabres, des organisateurs de conférences. La place publique et la rue leur est naturelle. Beaucoup de blague, souvent de bonne blague, surtout de blague à froid. Tous les jours il achète sa Petite République, chez la marchande de journaux, qui lui garde aussi les romans populaires paraissant en livraisons. Il doit acheter aussi l’Histoire Socialiste, parce qu’elle est socialiste, parce qu’il aime l’histoire, parce qu’elle paraît en livraisons identiques, parce que l’éditeur est le même, c’est encore du Rouff. Mon cousin lit tout cela en mangeant, à déjeuner, lit la Petite République et croit assez que c’est arrivé, lit ses livraisons et sait parfaitement que ce n’est pas arrivé, lit son Histoire et croit tout à fait que cela est arrivé. Mon cousin est un socialiste classé. Il vient me demander compte.

— Vous demander compte ?

— Me demander compte. Mon cousin est, vous le pensez bien, membre — et membre très actif — du