Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute l’Église militante. Et pour l’Église souffrante. Et tant de force et tant de beauté vient de ce que c’est partout dedans, de ce que ce n’est dit nulle part. Quand Polyeucte parle de son sang.

Ce que de tout mon sang je voudrais acheter.

il est si secrètement sûr que c’est plus qu’une prière et plus qu’un vœu, (je ne dis pas seulement plus qu’un propos et plus qu’un rêve), (ce qui est hors de cause, car ce serait si grossier et si mince et si impie), que c’est un engagement, que c’est une promesse, que c’est déjà fait ; que c’est une réalité ; la saisie de la main d’une réalité éternelle ; que son martyre est déjà une chose entendue ; qu’il a un crédit ouvert, un crédit mystique ; (à peine) anticipé ; que son sang est disponible ; qu’il va commencer d’en user ;

Tout votre sang est peu pour un bonheur si doux !
Mais pour en disposer, ce sang est-il à vous ?

que c’est acquis ; et comme il dit lui-même, que c’est fait.

§78. — Un des grands vices, originels, de Racine, est ce point de départ qu’il prit généralement dans Euripide, qui ne le valait pas, qui lui était si notablement inférieur. Ce point d’appui, cette origine. Non seulement ce point d’origine des sujets, mais ce point d’origine d’un certain ton. Les finasseries, les avocasseries, les discussions d’Euripide, ses pauvres malices, ses impiétés déjà modernes sont très sensiblement inférieures à Racine. Il y a infiniment plus de religion, je dis grecque, païenne, dans Phèdre, plus d’antique