Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/124

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Nous pourrions multiplier ces citations à l’infini. Le lecteur voit comment les choses se passaient. On fusille une femme parce qu’une ouvrière l’a vue, ou croit l’avoir vue, et dit l’avoir vue jeter du pétrole ; on fusille une femme parce qu’on l’a vue « inspecter de trop près l’Opéra-Comique ». Le journal ajoute bien qu’on découvre du pétrole sur elle, mais après qu’elle est morte. Le premier moment de surexcitation passé, les journaux déploraient les erreurs commises. « Hier, quartier des Écoles, dit le Siècle du 31 mai, une pauvre femme a été presque mise en morceaux pour avoir acheté de l’huile d’olive. » Une autre fois, c’est une malheureuse allant faire la lessive et portant de l’eau de Javel qui est fusillée. Au mois de juillet encore la légende faisait des victimes. Quand M. Gambetta fut revenu à Paris, après les élections, comme il passait un jour au coin de la rue du Colisée avec son ami le docteur F…, il vit la foule menaçant, huant, saisissant une malheureuse femme, à qui on allait faire un mauvais parti. Elle était passée près d’un mur au pied duquel on avait vu un liquide répandu. « C’est une pétroleuse », cria quelqu’un, et les passants de s’attrouper, de malmener la pauvre femme. M. Gambetta et le docteur F… s’approchèrent : il était facile de se convaincre que le prétendu pétrole appartenait à l’espèce d’humidité qui salit les murailles dépourvues d’inscriptions préservatrices. L’éminent homme d’État suivit la foule jusqu’au commissariat de police, se nomma et fit relâcher la « pétroleuse ».

Un mois plus tôt, la femme aurait été fusillée : il se serait trouvé parmi les témoins des gens qui, de la meilleure foi du monde, auraient reconnu sur le mur l’odeur de pétrole : quelques-uns auraient cru voir une bouteille cachée sous les vêtements de la femme : le