Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/215

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Douze balles dans la poitrine vous feront parler. » Ils s’en vont : ils reviennent entre trois et quatre heures du matin. « Ouvrez au nom de la loi ! » (Car la délation s’appelait alors la loi.) On n’ouvre pas, ils menacent d’enfoncer la porte. Puis, quand ils sont entrés : « Nous venons vous chercher pour vous adosser à la Monnaie. » Un des visiteurs finit par entraîner les autres ; mais le sieur F… revint encore à six heures du matin ! La domestique était devenue folle au milieu de toutes ces angoisses. (Elle n’a pas recouvré la raison, et est morte dans une maison d’aliénés.)

Qu’était devenu Tony-Moilin ? Le premier jour, il s’était réfugié chez un de ses amis, fabricant, rue Chapon. Cet ami n’était pas là : son beau-frère avait fait comprendre au réfugié qu’il serait rassuré de le voir partir. Le docteur avait un ami, médecin comme lui, le docteur M…, qui lui avait dit, huit jours avant : « Si vous courez quelque péril, venez chez moi. » Tony-Moilin, y alla. M. M… le reçut d’abord, puis eut peur, et l’invita à aller chercher un refuge ailleurs. Telles étaient, dans la terreur de cette sinistre semaine, les trahisons des amitiés. Toutes les portes se fermaient devant le suspect. Tony-Moilin se sentit un amer dégoût, une résignation désespérée ; il revint chez lui… À sept heures du soir, madame Tony-Moilin entendait sonner à sa porte, et le reconnaissait avec épouvante.

Son retour était déjà signalé.

Il avait dans la maison un confrère, un rival, le docteur M…s (d’A…) ; le docteur était entré dans la maison (je crois qu’on l’avait appelé pour donner des soins à madame Moilin pendant une perquisition.) Il vit Tony-Moilin rentré et envoya la concierge avertir la troupe. Un instant après, Tony-Moilin et madame Moilin étaient arrêtés. Quelques heures après, le docteur M…s qui