Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/241

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manches d’uniformes avec des mains couleur de cire poussant sinistrement hors du sol, des faces putréfiées aux yeux fixes et morts se haussant hors de terre. Tout ce renouveau était hideusement hanté : une odeur asphyxiante de décomposition humaine étouffait les parfums du printemps, et soulevait le cœur des passants ; — et quand la nuit apaisait, autour du square, la grosse rumeur de Paris, on entendait sortir du milieu des verdures, des murmures affreux, des gémissements étouffés… Car, on s’était bien pressé de vider les tombereaux, et plus d’un vivait et râlait encore, dans la fosse commune.

On croit peut-être que j’exagère ? lisez les journaux du temps :

« Qui ne se rappelle, s’il l’a vu, ne fût-ce que pendant quelques minutes, le square, non, le charnier de la tour Saint-Jacques ? Là, on avait enseveli, sous une mince couche de terre, des cadavres ramassés au hasard, et, quand on avait le temps, on reprenait les cadavres dans un fourgon. »

(Temps, du 28 mai.)

« Ce qui épouvantait le regard, c’était le spectacle que présentait la tour Saint-Jacques. Les grilles en étaient closes, des sentinelles s’y promenaient. Des rameaux déchirés pendaient aux arbres, et partout de grandes fosses ouvraient le gazon et creusaient les massifs.

» Du milieu de ces trous humides, fraîchement remués par la pioche, sortaient çà et là des têtes et des bras, des pieds et des mains. Des profils de cadavres s’apercevaient à fleur de terre, vêtus de l’uniforme de la garde nationale : c’était hideux… une odeur fort écœurante sortait de ce jardin. Par instant, à certaines