Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/276

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

entiers. » Ce sont aussi les pères, parents, femmes, enfants des hommes de la Commune, dont on s’est saisi pour leur faire révéler la retraite de l’homme que l’on cherche. (Comme madame Ranvier et son enfant.) Ce sont enfin les victimes d’inexplicables méprises. Exemples : je lis dans la Vérité du 14 juin 1871 :

« Nous pouvons affirmer l’exactitude du fait suivant :

» M. X…, ancien officier de l’armée régulière, blessé et décoré en Crimée, habitait les Batignolles où il est propriétaire… Devant sa porte il y avait une barricade… Les soldats pénètrent dans les maisons environnantes, font main basse sur tout ce qui s’y trouve… Le propriétaire est saisi, garrotté, conduit à Versailles, puis dirigé sur Cherbourg, etc. »

Le Siècle assure que la femme d’un député fut arrêtée chez elle, on n’a jamais su pourquoi.

Le même journal parle de gens arrêtés pour des « peccadilles », telles que d’avoir manifesté des sentiments sympathiques aux prisonniers sur leur passage.

Tels étaient les prisonniers qui suivaient en longue file la route de Paris à Satory. Ils avaient avec eux très peu de combattants ; les fusillades épargnaient le voyage aux combattants et à beaucoup d’autres. — On semble toujours croire que je raconte ici les cruautés exercées contre les partisans de la Commune ; je raconte les cruautés exercées contre Paris tout entier. C’est Paris qui fut mis à sac et couvert de sang : le spectacle de la victoire du gouvernement légal, avec ses innombrables milliers de prisonniers, hommes, femmes, enfants, tous liés de cordes, suivant la route de Versailles, à coups de baïonnette et de sabre, par le soleil, nu-tête, à pied, la gorge brûlée par la soif… ce spectacle n’est pas de ce siècle.

Théophile Gautier, qui l’a décrit en maître, dans une