Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’officier du 75e fit alors placer les prisonniers sur un rang ; il fit un premier appel pour s’assurer qu’il ne manquait personne ; puis un second appel de neuf noms seulement ; et chacun des neuf, à son tour, recevait l’ordre de sortir du peloton.

On les faisait mettre à quelques pas de là : puis, l’officier appela un caporal et ses quatre hommes ; il leur dit où il fallait conduire les neuf prisonniers. Le caporal commanda par le flanc droit. Les prisonniers demandèrent s’il fallait doubler. Ce n’est pas la peine, dit le capitaine, on va vous placer face au mur.

Quelques instants après, on entendait la détonation de la fusillade.

Le capitaine revint en se frottant les mains et en disant : voilà le complot de Reuilly.

Les corps furent portés dans le cimetière situé au bout de la rue de Charenton et exposés sur les dalles mortuaires.

Pour les huit qui restaient, on les fit inscrire au greffe et on les emprisonna.

L’un des fusillés, le caporal Niès, celui dont la veuve a fait constater le décès, entré dans les zouaves en 1846, avait vingt-cinq ans de service, vingt ans de campagne, une blessure reçue en Algérie en 1849. Il avait été décoré de la médaille militaire en 1863. Voilà les hommes qu’on faisait fusiller aux soldats français !

Dans le procès que fit la veuve pour obtenir la constatation du décès de son mari, il fallut bien que le capitaine de pompiers C*** déposât ; il fallut qu’il racontât comment et pourquoi il avait fait fusiller ces hommes. De longs mois s’étaient écoulés depuis la semaine de Mai. On n’osait plus avouer les faits dans toute leur horreur. Le capitaine C*** osa dire, sous la foi du serment, qu’il avait trouvé les pompiers combattant dans la rue !