Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tions de haine contre les insurgés, et l’entraînement, qui met derrière toutes les victoires un innombrable cortège de hurleurs insatiables.

Et puis, il faut songer au spectacle qu’on avait sous les yeux : dans la rue, des tas croulants de pavés comme après un tremblement de terre ; aux carrefours, des tourbillons de flamme et de fumée au bout de toutes les rues ; des trous de balles et d’obus, des cadavres partout ; et au moment où la bataille venait de s’éloigner une explosion formidable ouvrait violemment les fenêtres, faisait tomber les vitres en morceaux : c’était la poudrière du Luxembourg qui sautait ; il semblait voir la fin du monde.

Dès le premier moment des misérables se hâtaient d’aller dénoncer aux soldats, qui un fédéré caché, qui un ennemi personnel. — C’étaient des excitations à ne point faire de quartier, des huées sur le passage des prisonniers. J’ai vu passer des femmes blessées qu’on portait à la Charité sur des civières, on leur montrait le poing, on les menaçait ; une clameur d’insultes s’élevait sur leur passage.

On n’avait même plus pour les cadavres ni respect ni répugnance. Rue Mazarine, contre le mur de l’Institut, on avait fusillé deux fédérés ; la cervelle était éparse par terre : un de nos amis a vu une femme de chambre habitant la même maison que lui, rue de Seine, s’amuser à remuer cette cervelle avec le pied en disant : « Regardez donc cette sale cervelle de communard ! » J’ai vu moi-même un tas d’une dizaine de cadavres, rue de Rennes, près de la rue Coëtlegon. Les passants s’y arrêtaient. Quelques-uns avaient des mines de mouchards. Il y en avait qui prenaient les bras des morts pour leur faire faire des gestes ridicules. Quelqu’un dit très haut et avec une sorte d’affectation : « C’est infâme d’insulter