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mon voyage aventureux

que lui, ont-il compris qu’on ne peut pas refuser une militante pour des motifs aussi ridicules ?

À tous égards je comprends qu’il me faut sacrifier mon amour-propre et faire la paix avec cette femme.

Quelle faute avais-je commise aussi, grand Dieu ! Cette femme : c’est la sœur d’un commissaire à la guerre !

Elle a des qualités que je ne tarde pas à reconnaître. Elle est dévouée au Parti et risque gros en nous donnant asile. Son mari a été tué à la guerre, elle a quatre enfants qu’elle parvient à grand’peine à nourrir. Comme je lui demande pourquoi son frère qui a une place si importante en Russie ne l’aide pas, elle me répond qu’il ne gagne pas d’argent, qu’un communiste ne doit pas en gagner. C’est elle, au contraire qui lui envoie du chocolat.

C’est très beau ; cette femme est une héroïne obscure comme j’en trouverai beaucoup en Russie ; mais quelle dureté dans son œil gris ! Elle me fait frissonner lorsqu’elle chante « Mort aux bourgeois ». Je pense à Mme Defarge, la tricoteuse du roman de Dickens : « Un drame sous la Révolution. »

Je comprends que je ne suis qu’une révolutionnaire théorique et qu’il faut de ces êtres frustes pour les dures nécessités.

De temps à autre il lui échappe des paroles