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ÉTUDES DE LITTÉRATURE

certitude. Voltaire, qui n’a jamais nié l’existence de Dieu, ne la donne que comme vraisemblable. Et quels arguments invoque-t-il ? La preuve physique sans doute :

L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer
Que cette horloge existe et n’ait point d’horloger.

Mais le Dieu que Voltaire croit, celui que Voltaire glorifie, auquel il élève un temple — Deo erexit Voltaire, — ce n’est pas seulement le Dieu architecte du monde, c’est surtout le Dieu rémunérateur et vengeur, le Dieu fondement de la morale, sanction de la morale. Et tel est le sens du vers bien connu :

Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer.

Dans la seconde moitié de sa vie. Voltaire dut combattre l’athéisme. Or, que veut-il établir contre Helvétius et d’Holbach ? Si nuisible que soit le fanatisme à la société humaine, l’athéisme ne l’est guère moins, voilà le point essentiel de son argumentation. Pratiquer la vertu sans croire à un Dieu, cela demande, pense-t-il, une élévation d’intelligence et une force d’âme qui ne peut être que le partage d’un petit nombre. Aussi doit-on confirmer et affermir cette croyance nécessaire au maintien de la société.

Vous le voyez, qu’il s’agisse du libre arbitre, de l’âme ou de Dieu, Voltaire assujettit la métaphysique à la morale. Et je ne prétends pas qu’il ait raison. Juger une doctrine spéculative par ses résultats dans le domaine des mœurs, la proscrire sous prétexte qu’elle porte atteinte aux principes sociaux, rien de plus dangereux pour la liberté de l’esprit humain. Mais, même au point de vue pratique, sait-on si la doctrine