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ET DE MORALE CONTEMPORAINES

qui semble aujourd’hui funeste dans ses premiers effets ne sera pas demain salutaire ? Sait-on si telle théorie en désaccord avec notre morale actuelle ne s’accordera pas plus tard avec une morale supérieure ? Ce n’est pas la morale qui doit juger la science. Quand la science contredit la morale, la morale de notre temps, nous nous garderons de l’accuser d’immoralité en songeant que les idées sur lesquelles repose la civilisation contemporaine ont été pour la plupart révolutionnaires avant de devenir conservatrices.

Un mot cependant. Lorsque Voltaire allègue ainsi l’intérêt du genre humain, ce n’est pas à propos de vérités scientifiques, c’est à propos de problèmes qu’aucune philosophie n’a résolus et qu’il tient pour insolubles. Nulle comparaison avec le mouvement de la terre, découvert par Galilée et condamné par l’Inquisition. En des matières livrées à l’incertitude, rien d’étonnant que le zèle de Voltaire pour l’institution civile l’incline vers ce que l’ordre social lui semble exiger.

Si Voltaire subordonne la métaphysique à la morale, c’est à la morale qu’il réduit la religion. On l’accuse d’être antireligieux. Entend-on par là qu’il n’a rien d’un mystique ? À la bonne heure. Et, si je pourrais citer de lui maints passages qui dénotent une réelle ferveur, sa piété, en effet, est plutôt active que sentimentale. Elle consiste surtout à pratiquer le culte, non pas à allumer, comme il disait, des cierges en plein midi, non pas à brûler de l’encens — ou des hérétiques, mais à être juste et humain.

Voltaire, quoi qu’il en soit, n’a pas attaqué la religion. Lui-même la distingue soigneusement de la superstition et ne veut détruire celle-ci que pour épurer