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ET DE MORALE CONTEMPORAINES

mérite à les croire ; ou bien faux, et alors il est impossible que nous les croyions. Credo quia absurdum, disent les catholiques. Leur foi n’est point une croyance, elle est une incrédulité soumise, un anéantissement de la raison. Or, nous dessaisir de cette raison que nous tenons de Dieu, c’est faire offense à Dieu lui-même comme c’est nous ravaler au rang des brutes. Voltaire, nous l’avons vu, reconnaît qu’il y a une foule de choses qui dépassent l’intelligence humaine, et, devant ces mystères, il suspend son jugement, il s’incline ; mais ce qu’il ne veut pas, c’est admettre ce qui contredit la raison. Du reste, les vérités nécessaires à notre salut doivent être des vérités parfaitement claires. La religion doit entrer dans le cœur comme la lumière dans les yeux. Si Dieu tenait les vérités secrètes et nous punissait ensuite de ne pas y croire, il serait le plus injuste et le plus cruel des tyrans.

Les philosophes, d’autre part, distinguent quatre vertus cardinales : force, tempérance, prudence, justice. Mais les trois premières ne sont pas des vertus, ce sont des qualités utiles à qui les a. Il n’est de vertus que les qualités par lesquelles nous nous rendons utiles aux autres. Tel ermite sera sobre, pieux, revêtira un cilice, restera des journées entières à regarder son nombril, ou se laissera dévorer par la vermine : appelons-le saint, si vous voulez, appelons saint le grand Antoine, qui ne se lavait jamais les pieds, appelons saint Siméon, surnommé Stylite, qui, durant trente-deux années, demeura debout au sommet d’une colonne, et, durant une année entière, sur un seul pied ; appelons-les saints, mais réservons le nom de vertueux pour celui qui fait du bien à ses semblables.