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ÉTUDES DE LITTÉRATURE

à la prospérité commune, devraient s’appeler vertus. Ajoutons du moins que les vertus sociales supposent et impliquent les vertus individuelles. En nous faisant tort à nous-mêmes, en diminuant notre valeur propre, nous nous rendrions moins capables de servir la société ; et, par suite, la morale personnelle peut rentrer dans la morale publique.

Quoi qu’il en soit, Voltaire envisagea toujours le bien social. Il peut dire à juste titre : « Je n’écris jamais pour écrire ; j’écris pour agir. » Et encore : « Je ne mets jamais du noir sur du blanc qu’après avoir examiné si ce noir sera utile aux hommes. »

Ne parlons pas de ses livres proprement philosophiques : il ne les fit, cela va sans dire, que pour combattre les erreurs, les mensonges, les injustices. Mais, historien ou poète épique, auteur de tragédies, de romans, d’épîtres, de satires, de facéties, ce qui, dans la diversité des genres et des tons, donne à tous ses ouvrages leur unité supérieure, c’est son zèle pour le perfectionnement du genre humain.

Voyez, d’abord, comment il conçoit l’histoire. Avant Voltaire, nos historiens, si l’on peut les appeler ainsi, étaient plutôt des rhéteurs, exclusivement appliqués à composer de belles narrations, de belles harangues, de beaux portraits. Oui, sans doute, il y a Bossuet ; et Bossuet, en écrivant son Discours sur l’histoire universelle, écrivit, comme Voltaire, pour agir. Mais ce Discours est d’un théologien beaucoup plus que d’un historien. Voltaire, lui, comprend l’histoire en philosophe. « Il n’appartient, dit-il, qu’aux philosophes d’écrire l’histoire. » À l’histoire des rois, des cours, des ministres. Voltaire substitue celle des lois, des mœurs, des institutions, des lettres et des