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CHAPITRE III

LA POÉSIE

Il y a vingt ans, l’école parnassienne était en plein triomphe. Il n’y a pas même dix ans, elle produisait les Trophées. Publié dans un temps où prévalait déjà une conception de la poésie bien différente, ce recueil eut plus de succès que d’influence. Mais son succès fut éclatant. Il le fut à juste titre. En une centaine de sonnets également beaux, M. J.-M. de Heredia réalisait la perfection de l’art parnassien. Les Trophées peuvent être regardés comme portant à leur degré suprême les qualités essentielles du Parnasse, qui doit y reconnaître son dernier et son plus impeccable chef-d’œuvre.

D’abord, l’impersonnalité de l’artiste. Aucun poète antérieur ne s’était si vigoureusement abstrait de son œuvre. Il y a souvent chez M. Sully-Prudhomme un élégiaque, et M. François Coppée ne bannit pas toujours de ses vers l’émotion, voire la sensiblerie. Quant à Leconte de Lisle, la jalouse surveillance qu’il exerce sur soi ne l’empêche point de déceler non