Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire contemporain, 1908.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bilité qu’elle n’avait jamais eue chez les parnassiens.

Quant au vocabulaire, la poésie moderne, si nous ne parlons que des poètes qui comptent, se montre naturellement plus réservée que la prose. Elle exclut un grand nombre de termes empruntés par nos prosateurs aux langues étrangères ou aux diverses sciences. Car il ne s’agit point ici d’exprimer des idées nouvelles. Mais il s’agit de traduire certaines inflexions sentimentales ; et, quand les mots en usage y conviendraient mal, nos symbolistes n’hésitent point à en inventer d’autres. Ceux-ci, d’ailleurs, sont souvent très heureux, parce que leur forme et surtout leur son s’accordent, en vertu de je ne sais quelle affinité subtile, avec telle nuance de sentiment. Chez quelques poètes vraiment artistes, c’est là une tentative intéressante pour moduler leurs plus délicates et leurs plus fugaces impressions.

Les symbolistes ont aussi restauré maints vocables tombés en désuétude. Ce procédé, tout à fait légitime, Ronsard l’appliqua jadis non sans succès, et les romantiques, Chateaubriand tout d’abord, puis Victor Hugo, Sainte-Beuve, Théophile Gautier, ne s’interdisrent pas d’en user. Mais il y faut de la mesure. Un groupe de poètes forma, voilà quelque dix ans, l’école dite romane, qui prétendait restituer le vocabulaire de l’ancienne langue, mêler au français moderne celui de la Renaissance et du moyen âge. M. Jean Moréas en fut le fondateur et le principal représentant. On a souvent besoin d’un dictionnaire pour le comprendre : beaucoup de ses pièces sont tout uniment des pastiches ou presque des centons. Une