Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire contemporain, 1908.djvu/214

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Ou bien :


Tel dimanche pour moi s’embaume de la voix
Des soprani…[1]

Et l’orgue de nouveau hisse ses velours noirs[2].


Signalons encore l’assonance, qui prête aux mots, en dehors de leur sens logique, une valeur de suggestion. On connaît le fameux sonnet d’Arthur Rimbaud :


A noir, E blanc, I rouge, U vert, bleu, voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes,
A noir, corset velu des mouches éclatantes.
Qui bombillent autour des puanteurs cruelles, etc.


Si ces vers ne sont qu’une fantaisie ou une mystification, nul ne conteste les affinités des sons et des sentiments. Chez la plupart de nos poètes, non seulement les romantiques, mais encore ceux du xvie siècle, ou même quelques-uns du xviie, Racine du moins et La Fontaine, on trouve maintes phrases dont la musique s’approprie à tel ou tel état d’âme. Une langue littéraire n’est point une suite de « polynômes » : pour rendre certains mouvements de la sensibilité, il lui faut plus et mieux que la signification logique des mots ; outre le rythme, elle a encore ces effets d’harmonie que leur complexité délicate ne nous permet pas toujours d’analyser, et qui sont néanmoins un puissant mode d’expression. Parce que beaucoup de symbolistes, sacrifiant les rapports de sens aux rapports de sons, ne se laissent plus comprendre, devons-nous être injustes envers ceux qui

  1. Rodenbach, le Règne du silence, les Cloches.
  2. Id., ibid.