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posite et de pure virtuosité. Peu après la publication des Cantilènes, le voilà qui se proclame symboliste[1], et, dans une sorte de manifeste[2], définit tant bien que mal ce qu’il entend par là. Mais sa poésie, quand il ne s’exprime pas directement et sans arabage, est moins symbolique qu’allégorique. On ne voit guère comment le Pèlerin passionné a pu sembler à son heure quelque chose comme l’évangile du symbolisme. Si M. Moréas y fait usage de mètres bizarres, qui vont jusqu’à dix-sept syllabes, s’il affecte parfois une obscurité sibylline, ce n’est vraiment pas assez pour mériter le nom de symboliste. Son recueil, du reste, contient quelques pièces aimables, d’un tour à la fois précieux et naïf, dans le goût du moyen âge et du xvie siècle. Mais cela est en somme bien peu de chose, cela ne répondait guère aux ambitions et aux promesses du jeune poète.

À peine a paru le Pèlerin passionné que M. Jean Moréas, publiant un nouveau manifeste, apprend au monde la fondation de l’école romane[3]. Déjà son manifeste antérieur, celui qui avait « lancé » le symbolisme, marquait un retour aux vieilles formes poétiques et à la vieille langue ; et, dans le Pèlerin passionné, voire dans les dernières pièces des Cantilènes, maints archaïsmes de vocabulaire et de syntaxe, comme aussi certains sujets empruntés à nos anciens trouvères, annonçaient, chez le chef de l’école sym-

  1. Il prétendit même avoir le premier usé de celle appellation.
  2. Figaro, 18 septembre 1886.
  3. Figaro, 14 septembre 1891.