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LIVRE IX, § III.

III

Ne maudis pas la mort[1] ; mais fais-lui bon accueil, comme étant du nombre de ces phénomènes que veut la nature. La dissolution de notre être est aussi naturelle en nous que la jeunesse, la vieillesse, la croissance, la pleine maturité, la pousse des dents, la barbe, les cheveux blancs, la procréation, la gestation des enfants, l’accouchement, et tant d’autres fonctions purement physiques, que développent en nous les diverses saisons de la vie. Lors donc que l’homme y a réfléchi, il sait qu’il doit ne montrer à l’égard de la mort, ni oubli, ni courroux, ni jactance[2]. Il faut l’attendre comme un des actes nécessaires de la nature[3] ; et puisque tu attends bien le jour où ta femme mettra au monde l’enfant qu’elle porte en son sein, de même aussi tu dois accueillir l’heure où ton âme se délivrera de son enveloppe[4].

  1. Ne maudis pas la mort, mais fais-lui bon accueil. La sagesse ne peut pas aller au-delà de ces réflexions si vraies et si sereines. C’est ainsi qu’il faut prendre la mort, puisqu’elle est entrée dans les desseins de Dieu. Voir plus haut, liv. VIII, § 47, et la citation tirée de Bossuet, en note.
  2. Ni oubli, ni courroux, ni jactance. C’est bien ainsi que Marc-Aurèle est mort lui-même, comme l’atteste le récit de Capitolin, Vie de Marc-Antonin, ch. XXVIII.
  3. Un des actes nécessaires de la nature. Et comme une des fonctions de la vie.
  4. Ton âme se délivrera de