Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/419

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
397
LIVRE XI, § I.

qu’elle soit surprise par la mort, a toujours rempli l’objet qu’elle se proposait ; et, comme il n’y manque rien, elle peut toujours se dire : « Je possède, et je retiens ce qui est bien à moi. »

L’âme a encore cette faculté de pouvoir embrasser le monde entier[1], y compris le vide qui entoure le monde, et la forme qu’il a reçue ; elle peut s’étendre aussi dans l’infinité de la durée ; elle observe et elle conçoit la régénération périodique de toutes choses[2] ; elle comprend que ceux qui nous succéderont ne verront rien de nouveau[3], de même que ceux qui nous ont précédés n’ont rien vu de plus que nous ; et qu’en un certain sens, il suffit d’avoir vécu une quarantaine d’années, quelque intelligence qu’on ait d’ailleurs, pour connaître, par une assimilation facile, et tout ce qui a été et tout ce qui sera.

Enfin, une dernière faculté propre à l’âme raisonnable, c’est d’aimer le prochain[4], c’est d’être

  1. De pouvoir embrasser le monde entier. C’est-à-dire, de se mettre en rapport avec l’infini, sons toutes ses formes, et de le comprendre dans une certaine mesure, soit comme espace, soit comme durée.
  2. La régénération périodique de toutes choses. Voir plus haut, liv. V, §§ 13 et 22, et liv. X, § 7.
  3. Rien de nouveau. Sur l’uniformité des choses de ce monde, voir plus haut, liv. VI, § 37, et liv. VII, § 1. Voir aussi les notes où cette pensée est réduite à ses véritables limites.
  4. C’est d’aimer le prochain. C’est une des recommandations les plus ordi-