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Boucliers, mais à supporter la fatigue, à avoir peu de besoins, à travailler de mes mains, à ne pas multiplier les affaires[1], à fermer l’oreille aux délateurs.

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Diognète m’a appris à ne pas m’empresser pour des choses frivoles, à me défier de ce que les charlatans et les imposteurs racontent sur les incantations magiques, les évocations de démons et autres choses du même genre ; à ne pas élever des cailles et à ne pas m’ébahir sur ce genre d’occupation ; à supporter la franchise, à apprendre la philosophie. Il m’a fait suivre les leçons d’abord de Bacchius, puis de Tandaside et de Marcien ; il m’a appris tout enfant à écrire des dialogues et à aimer le grabat, la couverture et toutes les prescriptions de la discipline hellénique.

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Rusticus m’a fait comprendre que j’avais besoin de redresser et de former mon caractère ; il m’a appris à ne pas me laisser entraîner à l’imitation de la propagande des sophistes, à ne pas écrire sur les sciences, à ne pas composer des exhortations dialoguées, à ne pas essayer de frapper l’imagination en affectant une activité intempérante[2] ; il m’a détourné de la rhétorique, de la composition poétique, du bel esprit ; il m’a enseigné à ne pas me promener dans ma maison vêtu d’une longue robe, et à dédaigner toute ostentation de ce genre ; à écrire des lettres simples, comme celle qu’il écrivit lui-même de Sinuessa à ma mère ; à me montrer facile et prêt à une réconciliation avec ceux qui, après m’avoir offensé, manifestaient l’intention de revenir à moi ; à lire de très près et à ne pas me contenter d’un examen sommaire ; à ne pas acquiescer trop vite à l’opinion de ceux qui parlent beaucoup ; c’est à lui, enfin, que je dois d’avoir eu dans les mains les Commentaires d’Épictète, qu’il avait dans sa bibliothèque, et qu’il m’a prêtés.

  1. [Var. : « à ne pas m’occuper des affaires d’autrui, » ― ce qui est la traduction de Pierron. Le mot grec est de sens douteux.]
  2. [On traduit ici la conjecture de Xylander : ἐνεργητικόν.]