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Page:Pere De Smet.djvu/169

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» Vers midi, nous nous arrêtâmes près d’une fontaine pour dîner et prendre un peu de repos. Déjà nous nous félicitions de n’avoir pas encore rencontré ces redoutables ennemis, lorsque tout à coup le cri de guerre, accompagné d’un bruit épouvantable, se fit entendre sur la côte qui dominait l’endroit où nous étions arrêtés. Une bande de Pieds-Noirs qui, depuis plusieurs heures, suivaient nos traces, fondit sur nous au grand galop. Ils étaient armés de fusils, d’arcs et de flèches, presque nus, barbouillés de la façon la plus bizarre.

» Aussitôt, je me levai, et présentai la main à celui qui me parut être le chef de la bande. — Pourquoi te caches-tu dans ce ravin ? me dit-il froidement. As-tu peur de nous ?

— Nous avions faim, lui répondis-je ; la fontaine nous a invités à prendre un moment de repos.

» Il me toisa des pieds à la tête. Ma soutane, et la croix de missionnaire que je portais sur la poitrine, excitaient sa curiosité. » S’adressant alors au Canadien qui parlait un peu la langue siouse : — Jamais de ma vie, dit-il, je n’ai vu un homme de cette espèce. Qui est-il ? D’où vient-il ? » En pareille circonstance, le Canadien ne ménageait pas les titres.

— C’est, répondit-il au chef, l’homme qui parle au Grand-Esprit, la Robe-Noire des Français[1]. Il vient visiter les diverses tribus indiennes.

  1. Les missionnaires qui, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, évangélisèrent le nord de l’Amérique étaient presque tous français ; d’où le nom de « robes-noires des Français » que leur avaient donné les Indiens.