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Page:Pere De Smet.djvu/170

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» À ces mots, le regard farouche du sauvage se radoucit. Il ordonna à ses guerriers de mettre bas les armes, et chacun me donna la main. Je leur fis présent d’un gros paquet de tabac ; on s’assit en cercle, et on fuma le calumet de paix et d’amitié.

» Le chef me pria alors de l’accompagner et de passer la nuit dans son village… Douze guerriers étendirent devant moi une grande et belle peau de buffle. Le chef me prit par le bras, et, m’ayant conduit sur la peau, me fit signe de m’asseoir. Je m’assis, ne comprenant rien à cette cérémonie. Qu’on juge de ma surprise, lorsque je vis les douze guerriers saisir cette espèce de tapis par les extrémités, me soulever de terre, et, précédés du grand chef, me porter en triomphe jusqu’au village.

» En un instant, tout le monde fut sur pied pour voir la robe-noire. On m’assigna, dans la loge du chef, la place la plus honorable, et celui-ci, entouré de quarante de ses principaux guerriers, me harangua en ces termes :

— Robe-Noire, voici le jour le plus heureux de notre vie. C’est aujourd’hui que, pour la première fois, nous contemplons au milieu de nous un homme qui approche de si près le Grand-Esprit. Voici les principaux braves de ma tribu ; je les ai invités au festin que je vous ai fait préparer, afin qu’ils ne perdent jamais la mémoire d’un si beau jour »[1].

Chose singulière, la qualité de prêtre catholique qui, chez les barbares, valait des triomphes à l’humble missionnaire, l’eût, en d’autres temps, rendu suspect à des hommes fiers de leur civilisation. Durant le repas, le grand chef se montra plein d’atten-

  1. Relation citée.