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Page:Pere De Smet.djvu/39

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» Il m’a été bien dur, au moment du départ, de ne pouvoir vous exposer mon projet. J’ai cruellement souffert de ne pouvoir, ni vous dire adieu, ni recevoir votre bénédiction. Mais comme j’étais convaincu que vous n’auriez jamais consenti à me laisser partir, j’ai cru bien faire de suivre le conseil d’hommes sages et désintéressés, et de ne pas vous avertir. Chassez donc votre tristesse, chers parents, et dites-vous que c’est le Tout-Puissant qui en a ainsi décidé… Pensez que nous arriverons à Philadelphie aussi facilement que vous vous rendez au Sac à Houblon pour y faire votre partie de cartes, et que nous traverserons l’Océan avec la même sécurité que les enfants d’Israël, lorsqu’ils traversaient la Mer Rouge ».

Le ton moitié grave, moitié enjoué, de cette lettre pourrait faire supposer que Pierre De Smet n’appréciait pas assez le sacrifice qu’il imposait à sa famille. En réalité, cette pensée le préoccupait vivement. Croyant que le curé de sa paroisse pourrait, mieux que lui, faire accepter à son père les raisons de son départ, il lui écrit une belle lettre latine, pour le prier de visiter souvent et de consoler le vieillard.

La séparation l’affectait lui-même douloureusement. Le 10 août, il écrivait à l’abbé Van Boxelaere : « Charles a essayé d’empêcher notre départ, mais la raison et la religion l’ont bientôt convaincu. Il a pleuré longtemps, et, du fond du cœur, j’ai pleuré avec lui ; car que peut-il y avoir de plus pénible que de quitter mon vieux père que j’aime tendrement, mes frères et mes sœurs qui me sont si chers, mes amis, mes biens ? Mais c’est Dieu qui m’appelle, je dois obéir à sa voix ».

Et il continue par ces graves pensées, qui supposent une science de la vie bien rare à cet âge : « Ô vanité des