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la guerre des boutons


hurlant autant qu’on peut hurler, Bacaillé tout nu ou presque, car il n’avait sur son dos que sa chemise et aux pieds des souliers sans cordons. Il tenait sur ses bras deux paquets d’habits et il sentait, il empoisonnait plus que trente-six charognes en train de pourrir.

Les premiers qui accoururent à sa rencontre reculèrent en se bouchant le nez, puis, un peu aguerris, se rapprochèrent tout de même, complètement ahuris, interrogeant :

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Bacaillé avait les fesses rouges de sang, des rigoles de crachat lui descendaient le long des cuisses, ses yeux chavirés n’avaient plus de larmes, ses cheveux étaient tout droits et agglutinés comme les poils d’un hérisson, et il tremblait comme une feuille morte qui va se détacher de son rameau et s’envoler au vent.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qu’il y a ?

Bacaillé ne pouvait rien dire : il hoquetait, râlait, se tordait, hochait la tête, se laissait aller. Son père et sa mère accourus l’emportèrent à la maison à demi évanoui, cependant que tout le village intrigué les suivait.

On pansa les fesses de Bacaillé, on le débarbouilla, on mit tremper ses habits dans une seille à la remise, on le coucha, on lui chauffa des briques, des cruchons, des bouillottes ; on lui fit boire du