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rette, de lui faire voir la reine le lendemain matin. Comme ils approchent d’un château, tous les gens qu’ils rencontrent se moquent du chevalier « charretier » et le huent. Ils sont accueillis dans le château par une belle demoiselle, et le compagnon de Gauvain couche dans le « lit périlleux » : à minuit une lance garnie d’un pennon de feu descend sur lui comme la foudre, mais elle le blesse à peine[1]. Le lendemain, après la messe, il était assis, pensif, à la fenêtre du château, construit sur une roche à pic, lorsqu’il voit passer un chevalier blessé, porté sur une litière, et la reine à cheval, menée par un grand chevalier. Il voudrait la rejoindre, et on l’empêche, non sans peine, de s’élancer par la fenêtre.

Un peu plus tard, Gauvain et le chevalier de la charrette rencontrent dans un carrefour une autre belle demoiselle qui leur apprend que la reine a été prise par Méléagant, fils du roi Bademagu, et qu’on ne peut entrer dans le royaume de Bademagu que par deux ponts périlleux, le pont sous l’eau et le pont de l’épée ; ce dernier est le plus mauvais des deux. Ils décident qu’ils passeront chacun par un chemin différent. Gauvain choisit le pont sous l’eau, et le chevalier de la charrette prend le chemin qui mène au pont de l’épée.

Nous n’entrerons pas dans le détail des aventures bizarres par lesquelles passe le chevalier[2]. Il franchit le pont de l’épée et sort vainqueur du combat contre Méléagant. À ce moment nous apprenons que le chevalier mystérieux n’est autre que Lancelot. Lancelot prie le roi Bademagu de le conduire vers la reine Guenièvre, qui a assisté au combat.

Lorsque la reine voit le roi
Qui tient Lancelot par le doigt,
S’est en face de lui dressée,
Et fait mine de courroucée :
Point ne bronche ni ne dit mot.
— « Dame, voyez-ci Lancelot,
Fait le roi, qui vient pour vous voir :
C’est chose qui moult vous doit plaire. »
Elle dit : « Il ne me plaît guère ;
De sa vuë je n’ai que faire !

  1. Cet épisode du lit périlleux se retrouve dans d’autres romans arthuriens ; la lance ne peut épargner que le meilleur chevalier du monde.
  2. Voir quelques-unes de ces aventures et le duel avec Méléagant dans Revue de philologie française, t. IX, p. 188.