Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

çale, et française se rapprochent l’une de l’autre, et en même temps se rapprochent de la grammaire latine, qu’elles finissent par rejoindre[1].

Hypothèses contraires. — J’ai raisonné jusqu’ici comme si ceux qui nient l’origine latine de notre langue pouvaient à cette hypothèse en opposer une autre, sinon satisfaisante, du moins ayant quelque vraisemblance. Quelques mots suffiront à faire voir qu’il n’en est rien.

La parenté des langues romanes, nous l’avons dit et montré, implique qu’elles ont été originairement une langue unique, qui s’est ensuite diversifiée suivant le milieu. Le champ des suppositions se trouve ainsi immédiatement restreint. En effet, en dehors du latin, il n’y a que deux langues, qui, à l’époque dont il s’agit auraient pu conquérir le monde occidentale : c’est le germanique et le grec. Du germanique il n’est pas besoin de s’occuper. À défaut de témoignage des contemporains, qui opposent toujours le roman (romana langua) au tudesque (theotisca langua), un simple coup d’œil jeté sur les textes gothiques et allemands primitifs que nous possédons suffirait pour attester la diversité originelle des parlers germaniques et romans.

Quant au grec, il est certain qu’il avait pour lui des avantages, qu’il était l’organe d’une civilisation supérieure, que les colonies nombreuses et les relations commerciales l’avaient importé sur beaucoup de point des côtes occidentales de la Méditerranée, en même temps que des écoles faisaient connaître l’intérieur. Néanmoins on ne peut découvrir ni même imaginer à quelle époque, par quels moyens, ni pour quelles raisons il se serait répandu à Marseille, sur les rives de la Seine ou dans les montagnes de l’Auvergne, et s’y serait implanté. Encore moins devine-t-on comment il aurait conquis les bords du Tibre, et

  1. Il suffit, pour être frappé de la concordance, de jeter les yeux sur la conjugaison d’un des verbes essentiels, être, par exemple, dans les divers dialectes. L’unité d’origine saute aux yeux :
    Latin vulg. Fui, fu(i)sti, fu(i)t, fu(i)mus, fu(i)stis, fu(e)runt ;
    Roum. fuiu, fusi, fu, furam, furati, fura ;
    Ital. fui, fosti, fu, fummo, foste, furono ;
    Anc. fr. fui, fus, fut, fumes. fustes, furent ;
    Prov. fui, fost, fo, fom, fotz, foron ;
    Esp. fui, fuiste, fué, fuimos, fuisteis, fueron ;
    Port. fui, foste, fori, fomos, fostes, forão.