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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/535

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qu’elle a fait verser. Selon Théod. Nisard, nous n’aurions pas de chants mélodiques à une seule partie, mais toutes les mélodies que les manuscrits attribuent aux troubadours et aux trouvères ne seraient que des parties séparées de compositions polyphoniques, et tous ces artistes auraient été à la fois poètes et maîtres de contrepoint. Fétis, au contraire, croit qu’à l’exception d’Adam de la Halle, dont il ne pouvait nier le talent d’harmoniste puisque nous avons encore de ses compositions, tous les trouvères ne furent que des auteurs de simples mélodies. Évidemment il faut prendre un juste milieu entre ces opinions opposées, et De Coussemaker a eu raison de repousser des distinctions si absolues. Dans le nombre immense des troubadours et des trouvères, il dut y avoir place pour une grande variété de talent et de science musicale, depuis les auteurs peu instruits, arrangeurs de mélodies populaires, jusqu’à ceux qui possédaient et pouvaient au besoin mettre en œuvre tous les secrets des combinaisons harmoniques ; tandis que d’autre part parmi les maîtres d’organum et de discantus ou contrepoint, il s’en sera trouvé qui auront su composer des poésies et auront su les pourvoir de notes et d’accords[1].

Les compositions harmoniques de la période dont nous nous occupons nous sont spécialement connues grâce à la large et patiente érudition de De Coussemaker.

Nous sommes loin de posséder sur la musique mélodique des troubadours et des trouvères des travaux aussi précis et aussi importants que ceux de De Coussemaker sur l’harmonie. Pourtant il est hors de doute que, au point de vue historique, les mélodies ont une valeur plus grande que les compositions savantes de contrepoint. Elles auraient plus de valeur même si elles ne représentaient que des inspirations musicales individuelles, mais ce qui est plus important, c’est qu’elles reflètent souvent le goût et l’inspiration populaires.

Le chant vraiment populaire a partout, et non seulement en France, des caractères facilement reconnaissables. Le principal et celui qui se rencontre le plus souvent, est la répétition systématique d’une formule mélodique. Si cette formule est com-

  1. Voir Tiersot, p. 447-50.