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LES FABLIAUX

motez et noviaus diz et risies de diverses guises. » — Je crois qu’un grand nombre de fabliaux anonymes doivent leur être attribués, que ménestrels et jongleurs se recrutaient très souvent parmi eux et qu’ils ont marqué de leur empreinte, plus fortement qu’on ne dit d’ordinaire, notre vieille littérature.

Mais ils ne forment guère qu’une sous-famille parmi les jongleurs. Ce sont des jongleurs de profession qui, pour la plupart, sont les auteurs des fabliaux. Vingt d’entre eux, ou environ, nous ont laissé leur signature. Leur nom, leur province d’origine quelquefois, c’est tout ce que nous connaissons d’eux.

Tels sont les jongleurs picards ou artésiens Enguerrand d’Oisi, clerc qui rima grossièrement, comme un vilain illettré, le Meunier d’Arleux ; Eustache d’Amiens, auteur du Boucher d’Abbeville ; Colin Malet, dont l’œuvre unique, Jouglet, peut revendiquer cette originalité d’être le plus parfaitement ignoble de tous nos contes ; Gautier le Long, qui a esquissé dans la Veuve une fine comédie de mœurs ; Huon de Cambrai, qui mit en vers la sotte historiette de la Male Honte ; Huon Piaucele, de qui nous possédons les fabliaux d’Estormi et de Sire Hain ; Huon le Roi, le délicat poète du Vair Palefroi ; Milon d’Amiens, le bon rimeur de le Prêtre et le Chevalier ; Jean Bedel, dont nous avons conservé sept fabliaux et qu’on peut identifier sans trop d’invraisemblance avec l’illustre mesel des Congés, l’excellent trouvère Jean Bodel ; — puis, des jongleurs de l’Île-de-France, Rutebeuf, Courtebarbe, le spirituel conteur des Trois aveugles de Compiègne et, peut-être, du Chevalier à la robe vermeille ; — des Normands, l’obscène Haiseau, dont les poèmes, l’Anneau merveilleux, les Dames qui troverent l’anel au comte, les Quatre prêtres, le Prêtre et le mouton, se distinguent entre tous par leur manière rapide, fruste, brutale ; Jean le Chapelain, qui trouva le dit du Secretain ; Guillaume le Normand, auteur de le Prêtre et Alison, parfois identifié à tort avec le trouvère Guillaume le clerc de Normandie ; — le Champenois Jean le Galois d’Aubepierre, qui nous a laissé le très joli apologue de la Bourse pleine de sens ; — Gautier, qui rima dans l’Orléanais le Prêtre teint et Connebert ; — et des inconnus dont la patrie même est difficile à déterminer, Garin ou Guerin,