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LE ROMAN DE LA ROSE

Ou conclusion a honteuse :
Cist[1] a robe religieuse,
Donques est il religieus.
Cist[2] argumenz est trop fieus[3],
Il ne vaut pas un coutel troine[4] ;
La robe ne fait pas le moine.

D’ailleurs ce n’est pas à son costume qu’on pourra reconnaître Faux-Semblant :

Trop sai bien mes habiz changier,
Prendre l’un et l’autre estrangier[5].
Or[6] sui chevaliers, or sui moines.
Or sui prelaz, or sui chanoines,
Or sui clers, autre ore sui prestres,
Or sui desciples, or sui maistres,
Or chastelains, or forestiers.
Briefment je sui de touz mestiers.
Or sui princes, or resui pages,
Or sai parler trestouz langages,
Autre ore sui vieuz et chenuz,
Or resui jones devenuz ;
Or sui Roberz, or sui Robins,
Or cordeliers, or jacobins…
Autre ore vest[7] robe de fame ;
Or sui damoisele, or sui dame,
Autre ore sui religieuse,
Or sui rendue[8], or sui prieuse,
Or sui none, or sui abeesse,
Or sui novice, or sui professe,
Et vois[9] par toutes regions
Cerchant[10] toutes religions ;
Mais de religion sans faille,
Je lais[11] le grain et prent la paille.
Pour genz embacler[12] i habit[13],
Je n’en quier[14] senz plus que l’habit…
(v. 10955-11262).

Cette première partie de la confession de Faux-Semblant n’est pas sans quelques contradictions, qu’on a laissées de côté dans cette analyse, parce qu’elles ne sont probablement pas de l’auteur et pourront disparaître dans une bonne édition du poème. La suite de cette confession est elle-même en contradiction avec la première partie. Après avoir annoncé qu’il se cache sous les costumes les plus variés, aussi bien laïques que religieux, Faux-Semblant tout à coup se trouve être un frère prêcheur, et alors, sous prétexte de raconter son existence, attaque avec violence son ordre en particulier et les ordres mendiants en général. Non seulement cette satire n’est pas amenée par ce qui précède, mais quelques vers plus haut, à la suite d’une allusion très vague aux « apôtres nouveaux », Faux-Semblant vient précisément de déclarer qu’il ne parlera pas d’eux davantage et ne s’occupera que des moyens de délivrer Bel-Accueil. Ce qui ne l’empêche pas de reproduire, en un millier de vers, les accusations que, quelques années auparavant, pour la défense de l’Université de Paris, Guillaume de Saint-Amour avait réunies contre les deux principaux ordres mendiants. Cette satire, que des

  1. Celui-ci.
  2. Cet.
  3. Sans valeur.
  4. De troène.
  5. Écarter.
  6. Tantôt.
  7. Je vêts.
  8. Religieuse.
  9. Vais.
  10. Cherchant.
  11. Laisse.
  12. Tromper.
  13. J’y habite.
  14. Demande.