Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 2, 1896.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
LE ROMAN DE LA ROSE

d’entendre sa confession, lui conseille de garder son sang-froid, au lieu de s’emporter comme le font si souvent les femmes, et, à ce propos, il fait contre la plus perverse des créatures une longue satire (v. 16551-16908). Après ce sermon, dont il est difficile de voir les liens qui le rattachent à ce qui suit ou précède, Nature s’agenouille et commence sa confession. C’est l’exposé, en 2600 vers, des connaissances cosmogoniques, métaphysiques, astronomiques, physiques et autres de Jean de Meun. Nature termine en se plaignant de l’homme, qui, seul de tous les êtres créés, n’observe pas ses lois (v. 16909-19633). Génius l’absout, puis, sur son ordre, se rend à l’armée d’Amour, et là, revêtu de la chasuble et des insignes épiscopaux, il fait aux barons réunis un sermon d’environ douze cents vers, plus bizarre encore que prolixe, où s’entrecroisent les noms de Jupiter, de Dieu le Père, de Vénus, de la Vierge, des Parques, de Jésus, où le matérialisme le plus hardi se mêle au mysticisme le plus raffiné. L’orateur prêche contre la virginité et la sodomie, également contraires à la continuation de l’humanité et à la volonté de Dieu ; il menace de l’enfer ceux qui n’observent pas les commandements de la nature et de l’amour, et promet aux autres le champ fleuri où les blanches brebis, conduites par Jésus, l’agneau né de la vierge, paissent en un jour sans fin une herbe incorruptible, dans un parc semblable au jardin de Déduit, mais infiniment plus beau. Son sermon terminé, Génius lance un anathème terrible contre ceux qui ne suivent pas les lois naturelles de l’amour (v. 19634-20869).

Encouragée par les paroles de Génius et conduite par Vénus, l’armée s’élance à l’assaut de la tour. On aperçoit par une archère une jeune fille, beaucoup plus belle que la statue de Pygmalion (v. 20870-21070), dont l’auteur ne manque pas de raconter l’histoire (v. 21071-21478). Vénus lance alors son brandon. Honte et Peur s’enfuient, et sur les instances de Courtoisie, de Franchise et de Pitié, Bel-Accueil accorde enfin la rose à l’amant (v. 21479-21611), et celui-ci la cueille (v. 21612-22046). C’est la fin du poème :

Ainsi oi[1] la rose vermeille ;
A tant[2] fu jourz et je m’esveille (v. 21612-22046).

  1. J’eus.
  2. Alors.