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DEUXIEME PARTIE DU ROMAN DE LA ROSE

Qualités et Défauts de la 2e partie du Roman de la Rose. — Tel est le poème de Jean de Meun. C’est une œuvre extraordinaire, non seulement par l’incohérence de son plan, ou plutôt par son manque de plan, par l’entassement chaotique des sujets les plus divers, par l’amalgame des éléments les plus hétérogènes ; mais aussi par les connaissances de l’auteur, par son talent d’écrivain, par l’indépendance de ses idées. Nous n’insisterons pas sur l’étrange désordre de la composition ; l’analyse qu’on vient de lire en donne une idée suffisante. On a pu juger aussi par quelques citations de la hardiesse avec laquelle Jean de Meun a développé ses théories révolutionnaires sur l’origine et la puissance des rois, les serviteurs et non les maîtres du peuple, qui pourra quand il le voudra leur refuser « ses aides » et les abandonner. Il ne manque pas une occasion d’étaler ses opinions sur les souverains, qu’il compare à des peintures,

Qui plaisent cui ne s’en apresse[1],
Mais de près la plaisance cesse ;

sur les princes, dont

…li cors ne vaut une pome
Outre le cors d’un charuier[2],
Ou d’un clerc ou d’un escuier ;

sur les gentilshommes,

Si com li pueples les renome.

À ceux qui se figurent qu’ils

Sont de meillour condition
Par noblece de nation[3]
Que cil qui les terres cultivent,
Ou qui de lour labour se vivent,

il répond que

S’il n’est …nus[4] n’est gentis[5]
S’il n’est as vertuz ententis,
Ne n’est vilains fors par ses vices…
Car gentillece de lignage
N’est pas gentillece qui vaille.

  1. Approche.
  2. Charretier.
  3. Naissance.
  4. Nul.
  5. Noble.