Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 2, 1896.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
LES ROMANS DU RENARD

Isengrin, effrayé par l’arrivée de chasseurs et de chiens, rompt sa queue dans les efforts qu’il fait pour se sauver. Une autre fois, Renard le persuade de descendre dans un puits où lui-même était descendu par imprudence, lui assurant qu’il y trouvera le Paradis terrestre avec toutes ses délices ; et quand le seau qui entraîne au fond le pauvre imbécile fait remonter celui où était assis Renard, celui-ci lui dit plaisamment : « Telle est la coutume : quand l’un s’en va, l’autre vient ; moi, je vais en paradis, toi tu vas en enfer. » Isengrin reste toute la nuit dans l’eau pour en être retiré le matin et battu à tour de bras.

Outré de colère et toujours torturé par la pensée de son déshonneur conjugal, il se résout à en appeler au jugement des autres animaux. Il est convenu que, dans un plaid, Renard jurera publiquement son innocence sur la mâchoire d’un chien, soi-disant mort. Mais il est averti par son cousin le blaireau Grimbert qu’Isengrin s’est entendu avec ses amis pour lui faire un mauvais parti et que le chien est vivant. Il se sauve. Isengrin et Hersent s’élancent à sa poursuite. Habilement il attire la louve dans son repaire où elle veut pénétrer après lui ; mais, trop grosse, elle est arrêtée à l’entrée, ne peut plus ni avancer ni reculer, et Renard qui est sorti par une autre porte l’outrage sous les yeux mêmes de son mari.

Nous arrivons au dénouement de cette guerre. Le lion, le roi Noble, est tombé malade, et il a convoqué une assemblée plénière de ses sujets, espérant que l’un d’eux le guérirait de ses souffrances. Toute la cour est réunie ; chacun est présent, sauf Renard. Isengrin en profite pour l’accuser et réclamer justice des injures qu’il a reçues. Un débat s’ouvre : les uns sont pour Renard, les autres pour Isengrin et demandent à grands cris la mise en accusation du coupable. Noble leur résiste, ne pensant point le cas pendable ; il va même mettre fin à la dispute, quand arrive Chantecler le coq, suivi des poules Pinte, Noire, Blanche et Roussette portant sur une civière le cadavre d’une des leurs, dame Coupée, que vient d’étrangler Renard. Chantecler se jette aux pieds du roi et, éploré, raconte le massacre que le cruel a fait de presque toute sa nombreuse famille. Noble, à ce récit, trépigne de rage et déclare que, suivant l’usage, le coupable sera cité trois fois. L’ours Brun est le pre-