Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 2, 1896.djvu/491

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faits et de causes inconnues, qui ont agi souvent d’une manière contradictoire, et qu’il paraît bien difficile d’arriver jamais à connaître en détail.

Mais ce n’est pas ici le lieu d’insister davantage sur ces difficultés théoriques. Pratiquement, nous l’avons vu, les divergences n’empêchent pas de reconnaître qu’il y a eu au moyen âge un certain nombre de dialectes, qui tous, plus ou moins, ont eu part à la vie littéraire.

Le provençal et ses dialectes. — Les divisions, on peut le conjecturer d’après ce qui précède, sont loin d’être fixes. Cependant, en général, dès le moyen âge et presque jusqu’à nos jours, on a reconnu, sous des noms variés, deux grandes masses, les parlers provençaux[1] et les parlers français, autrement dit les parlers de langue d’oc et les parlers de langue d’oui.[2]

La ligne vague qui borne au nord le domaine du provençal est en général considérée comme partant de l’Atlantique à la pointe de la Grave et allant vers le Rhône, en passant par le nord de la Gironde, l’est de la Charente, le nord de la Haute-Vienne et de la Creuse, le sud de l’Allier, le centre de la Loire et Lyon. De là elle suit le cours supérieur du Rhône, de façon à englober une partie de l’Ain et de la Savoie ; puis, des Alpes, elle descend à Vintimille, en prenant la partie supérieure de quelques vallées du Piémont[3].

Au sud de cette ligne on distingue d’ordinaire : d’abord, le gascon et le catalan, qui ont souvent été considérés comme des langues à part. Le premier s’étend sur les départements des Basses-Pyrénées (dont une portion toutefois appartient à la langue basque), des Hautes-Pyrénées, des Landes, sur la partie

  1. L’expression inexacte de provençal a été souvent remplacée autrefois par celles de limousin, poitevin, gascon, bien plus inexactes encore. Elle est acceptée aujourd’hui couramment avec sa valeur conventionnelle par la philologie contemporaine.
  2. On sait que cette expression vient de la manière dont on exprimait l’affirmation : oc (latin : hoc) au midi ; oïl (lat. hoc ille) au nord.

    Les premiers exemples connus de l’expression langue d’oc apparaissent dans des actes de 1291. (Cf. P. Meyer, La langue romane du midi de la France et ses différents noms. Ann. du Midi, Toulouse, 1889, p. 11.) On la retrouve, appliquée au pays, dans un acte de Philippe le Bel du 26 mars 1294. Dante l’a reprise dans son traité De vulgari eloquio (I, VIII et IX) ; il l’avait déjà employée dans la Vita nuova, ch. XXV.

  3. Le caractère sur lequel on se fonde est le maintien de a libre non précédé d’une palatale : au-dessous de la ligne, il se conserve ; au-dessus il passe à e.
    Comparer le provençal mars, saus et le français mer, sel.