Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 2, 1896.djvu/492

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sud de la Haute-Garonne, le Gers et la Gironde. — La limite, qui est ici assez bien marquée, contrairement à ce qu’on observe ailleurs, suit assez exactement la rive gauche de la Gironde, de la Garonne et de l’Arise[1].

Le catalan, porté par des Roussillonnais en Espagne, au VIIIe siècle, y a encore la grande partie de son domaine (en Catalogne, dans la province de Valence et les Baléares). Néanmoins il se parle aussi en France dans les Pyrénées-Orientales et dans un coin de l’Ariège, à Quérigut.

Les autres dialectes de langue d’oc s’étendent sur vingt-six départements, qui leur appartiennent totalement ou en partie ; ce sont, pour ne parler que de ceux de France : le savoyard, le dauphinois, le provençal proprement dit, le languedocien, le limousin ; enfin, tout au nord du domaine, l’auvergnat et le rouergat, qui ont beaucoup de traits communs avec le français.

On sait quel brillant développement eurent originairement ces dialectes. Dès le Xe siècle ils possédaient une littérature. Il nous est resté de ces monuments primitifs un fragment considérable d’une imitation en vers de la Consolation de la philosophie de Boèce. Au XIIe siècle, la littérature des troubadours était dans tout son éclat. Mais les violences de la croisade albigeoise éteignirent dans la première moitié du XIIIe siècle la civilisation méridionale ; les poètes émigrèrent ou se turent, et, depuis le XIVe siècle, leurs dialectes, abandonnés des écrivains, semblaient avoir perdu à jamais le rang de langues littéraires. Cependant, à la fin du XVIe siècle, on voit renaître des poètes provençaux, et de nos jours, sous l’effort de Jasmin, puis d’Aubanel, de Roumanille et de Mistral, les parlers du Midi, sortant du rang effacé de patois, célébrés par les félibres, introduits par eux dans des œuvres considérables, étudiés par des savants, synthétisés même

  1. Toutefois Libourne et Castillon parlent gascon sur la rive droite. Le gascon se rapproche de l’espagnol par plus d’un caractère, particulièrement par h provenant de f. Lat. faba, espag. : huba, gascon : habe ; latin ferum, esp. : hierro, gasc. : her. D’autre part la limite de ce dialecte est bien plus nette que la plupart des autres. Ce sont là des faits. Il est d’autre part établi que la Garonne séparait en gros au temps de César les Gaulois des Aquitains, et que ces Aquitains étaient, par la race, apparentés aux Ibères d’Espagne. Quelques-uns en ont conclu que ces données ethnographiques pouvaient concourir à expliquer les rapports que le gascon présente avec l’espagnol et les différences qu’il présente avec les autres dialectes du Midi. Mais ces rapprochements, contraires à la nouvelle théorie sur les dialectes, ont été contestés, et considérés comme sans valeur.