Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 2, 1896.djvu/502

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le moment où le plus important des caractères de l’ancien français a disparu, je veux parler de la déclinaison. Ce n’est pas que nous ignorions cette date, elle n’existe pas, pour la raison qu’il n’y a pas eu suppression ou extinction subite du cas-sujet, mais seulement raréfaction lente et progressive, et que des vestiges de l’ancienne distinction se sont maintenus pendant des siècles, ou même subsistent encore. Il n’en est pas moins vrai et exact que le XIVe siècle est l’époque de la disparition de la déclinaison, parce que c’est alors que l’application du système, de régulière qu’elle était, est devenue confuse, puis exceptionnelle dans le français propre.

Sur d’autres points la séparation est moins tranchée encore. Des faits linguistiques, des expressions ou des constructions qui appartiennent à l’ancien français se prolongent jusqu’au XV et au XVIe siècles ; d’autres, qui sont présentés comme lui étant étrangers, se trouveraient à l’état sporadique dès le XIIe ; il faudra prendre garde à cette remarque, et ne pas donner aux observations qui suivront une rigueur trop absolue. J’essaierai toutefois de bien marquer les cas où la différence entre la langue ancienne et la langue moderne porte surtout sur l’emploi plus ou moins fréquent qu’elles font d’éléments qui leur sont communs.

Prononciation. Les voyelles et les consonnes. — Comparé au latin, l’ancien français avait peu perdu, et beaucoup gagné dans le matériel des sons, si on n’en considère que le nombre.

Ainsi la variété des e s’était augmentée du son e, distinct de è et de é, et surtout de l’e, appelé aujourd’hui muet, mais qui s’entendait à cette époque, et avait sur la prononciation une influence dont nous aurons à reparler. Il possédait aussi cet u caractéristique, que le latin de la Gaule et du Piémont n’acquit peut-être que sous l’influence lointaine des habitudes celtiques, et qu’il ignora ailleurs, comme l’italien, l’espagnol, le roumain l’ignorent encore. Et il semble qu’il n’avait perdu en échange que le u sonnant comme ou. Mais il ne faudrait pas juger seulement sur cette apparence extérieure. En réalité le français ancien avait abandonné déjà, à la suite du latin populaire, cette distinction régulière des brèves et des longues, qui est le charme du