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très solides, qui, la plupart du temps, se sont maintenues jusqu’à nos jours : coustume, maisniée, montier, viendrai, bonté.

Toutefois il ne faudrait pas croire que, dans ces syllabes, les voyelles se sont toujours gardées intactes et identiques à elles-mêmes, tandis que le mot se contractait autour d’elles. Comme on le voit par les exemples cités, ce n’est vrai que pour la tonique de consuetumen, et la contre tonique de bonté ; partout ailleurs les voyelles ont été atteintes : l’a tonique de mansionata, bonitatem est passé à e, l’e de monisterium à ie l’o initial de consuetumen, monisterium, s’est changé en ou, l’e de veniraio en ie.

D’une manière plus générale, il arrive le plus souvent que les voyelles accentuées sont atteintes, quand elles ne sont pas protégées par des groupes de consonnes, dont la seconde n’est pas une r, autrement dit, quand elles ne sont pas en position. Elles subsistent, mais en s’altérant, en changeant de timbre ou en se diphtonguant. L’accent les protège contre la disparition, nullement contre les modifications provenant de leur propre développement ou de l’action des sons qui les avoisinent.

Les consonnes n’ont pas été moins atteintes que les voyelles. Seules, les initiales, extrêmement solides, se sont maintenues avec beaucoup de fixité, et presque telles quelles, de l’époque latine jusqu’à nos jours : les consonnes, situées ailleurs dans le mot, ont été profondément altérées. Ainsi, tandis que le p de parem se maintenait dans paire, il s’affaiblissait en v, dans lupam : louve, où il est médial ; alors que le m de matrem subsistait dans mère, il était tombé, à la fin des mots, dès le temps de l’Empire[1] ; de même, pendant que le v de virga demeurait dans verge, ce même v disparaissait entre deux voyelles : pavorem = peeur (peur). De même que les consonnes isolées, les groupes de consonnes (quand ils n’étaient pas les groupes facilement prononçables de l’initiale : plénum, credere, prehendere, etc.) subirent des réductions euphoniques. Dans beaucoup de cas la première tomba[2]. Quand la chute des voyelles atones fit naître de nouveaux groupes, de deux et même de trois con-

  1. On peut en dire autant de n final : nomen était devenu nome, examen = exame, d’où nom, essaim. Les autres consonnes sont rarement finales en latin.
  2. Drectum = dreit, advenire = avenir, accaptare = acheter.