Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 2, 1896.djvu/525

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Les idées abstraites elles-mêmes, n’étaient pas, autant qu’on l’a dit, dépourvues d’expression : consence (complicité), cuisançon (inquiétude), conjure (supplication), humblece (humilité), oubliance (outrecuidance), oïance (audience), roidesse (rigidité), étaient de beaux mots, très clairs et très significatifs, et il en existait un grand nombre d’analogues. Cependant il est juste de reconnaître que la plupart des abstractions furent de bonne heure rendues par des mots savants, et que, malgré la présence de ceux-ci, le vieux français resta inférieur sur ce point au langage contemporain. Délaissé des hommes d’étude et de science, il ne pouvait acquérir les ressources d’un idiome dans lequel l’esprit humain a dû exprimer tant de choses et d’idées nouvelles.

En revanche, il a existé autrefois une foule de jolis mots que nous ne pouvons plus rendre que par des périphrases : abelir (sembler beau), s’acorer (être dans le chagrin), ainsjornal (qui précède le lever du jour), aumosner (faire l’aumône), atrever (faire cesser par une trêve), avenance, béer (faire bouche bée), besloi (déni de justice), champoier (aller à travers champs), chrestiener (rendre chrestien), cointier (faire la connaissance de), coloïer (faire des effets de cou), cuiriée (objet de cuir), desroser, (dépouiller de ses roses), destalenter (ôter l’envie), destrecier (mettre en détresse), desvouloir (cesser de vouloir), embramer (désirer ardemment), emparagier [sa fille], (marier sa fille avec un égal), empiegier (prendre au piège), encoan (cette année), enlatiner (instruire en latin), enlignager (prouver sa descendance), ennubler (couvrir de nuages), entreroser (mêler de roses), escarboner (jaillir, briller comme le feu du charbon), escheoiter (recueillir ce qui échoit, succéder en ligne collatérale), estevoir (être nécessaire), forsener (être hors du sens), goloser (désirer ardemment), langourir (être faible, languissant), malignier (faire le mal, tromper), mespenser (penser mal), sombroïer (se reposer à l’ombre), orfanté (état d’orphelin), ostagier (donner en otage, en caution), palmoïer (agiter, lever avec les mains), parclose (dernier mot, résultat final), périller (mettre en détresse), prangière (heure du dîner), recroire (être harassé, fourbu), rivoier (marcher sur les rives), soviner (coucher sur le dos), sourdoloir (s’abandonner avec excès à sa douleur), sourparler (être bavard), soursemaine (jour de la semaine), soustoitier (abriter sous