Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 2, 1896.djvu/526

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son toit), tenceur (chercheur de querelles), tressuer (être transpercé de sueur), venteler (flotter au vent), vermeiller (devenir, être rouge), vertiller (faire tourner de côté et d’autre). Et il est à peine besoin de faire remarquer combien beaucoup de ces mots sont expressifs et imagés.

Si quelque chose a manqué à la vieille langue, ce n’est donc pas les ressources matérielles, elle en avait de toutes prêtes, et par derrière celles-là une prodigieuse réserve ; il lui a manqué les artistes qui les eussent mises en œuvre. Dans ce lexique, quelque chose fait défaut, mais ce n’est ni le pittoresque, qui y abonde, ni la force, ni la variété, c’est bien plutôt l’ordre, car cette qualité-là n’est point de celles qu’une langue inorganisée, produit spontané d’une nation, peut acquérir d’elle-même ; elle ne peut naître qu’à certaines époques où les théoriciens l’imposent, ou mieux encore où des écrivains l’établissent par la seule autorité de leurs œuvres.

Formes grammaticales. Changements qui les atteignent du IXe au XIIIe siècle. — Il s’en faut bien qu’ici, comme en phonétique, presque tous les grands mouvements qui devaient transformer la langue se soient accomplis dans la période de transition qui précède cette histoire. Assurément au Xe et même au IXe siècle, un grand nombre d’entre eux sont déjà terminés. La réduction des nombreuses déclinaisons latines à des types uniformes est faite ; l’e muet est devenu la caractéristique ordinaire du féminin ; l’article est sorti du démonstratif ; les pronoms composés par agglutination de plusieurs éléments, tels que ce, cil, cet, même, sont constitués ; la conjugaison a laissé tomber les formes simples du passif ; à celles de certains temps de l’actif elle a substitué des passés, composés d’un participe et d’un auxiliaire, et un futur fait de la combinaison de l’infinitif avec le présent du verbe avoir ; le nouveau temps, issu d’une combinaison analogue avec l’imparfait du même auxiliaire, qui sera comme temps le futur dans le passé, comme mode le conditionnel, existe déjà, et a même soudé ses éléments ; les conjugaisons destinées à rester seules productives, celles en er et l’inchoative en ir, ont triomphé des autres, et, sans les avoir exclues de la langue, résultat non encore atteint aujourd’hui, servent déjà exclusivement de types aux verbes qui se créent ;