Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 2, 1896.djvu/532

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pleur (de plorer) pri (de prier) asail (d’assaillir) voil, vueil (de voloir)
pleurs pries asals vueis, veus
pleurt prie(t) asaut vuelt, veut
plorons, plourons proyons asalons volons, voulons
plorez, plourez proyez asalez volez, voulez
pleurent prient assaillent vuelent, veulent.

Et quand des verbes ont plus de deux syllabes aux personnes où l’accent porte sur la flexion, l’écart des formes est plus grand encore : on dit en ancien français : j’aiu, nous aidons ; je parole, nous parlons ; j’arraison, nous arraisnons ; je desjun, nous disnons.

Si on songe que ces balancements de formes se produisaient à l’indicatif, au subjonctif présent, à l’impératif, d’une personne à l’autre, que l’accent jouait encore un rôle dans la formation des futurs et des conditionnels, et dans les conjugaisons en re, oir, ir, comme on a pu le remarquer plus haut, aux parfaits simples, qu’en outre aucune conjugaison n’échappait à son action, sauf l’inchoative en ir, on se rend compte de l’extrême variété que présentaient les verbes de la vieille langue. Aujourd’hui encore un petit nombre de verbes se conjuguent à l’ancienne manière. Boire, faire, recevoir, devoir, mouvoir, pouvoir, venir, mourir, etc., ont encore deux radicaux au présent ; quelques-uns comme avoir, vouloir en ont même trois. Mais tous appartiennent aux conjugaisons mortes. Dans la conjugaison en er, qui renferme l’immense majorité des verbes de la langue, et qui prend avec celle en ir inchoative, tous ceux qui se créent, les derniers souvenirs réels du système ancien, les formes je treuve, on treuve, se rencontrent pour la dernière fois chez Molière et La Fontaine. Depuis eux il n’en reste rien[1].

Il y a plus, le nombre des vieux verbes à radicaux variables tend à se restreindre de plus en plus ; soit que ces verbes meurent, comme issir, ferir, ouïr, chaloir, soit qu’ils deviennent défectifs, comme assaillir, faillir, soit qu’enfin ils assimilent l’un à l’autre leurs radicaux, comme ont fait cuire, cueillir, paraître. L’analogie, si la langue évoluait librement, en atteindrait bientôt d’autres, à en juger par les formes qu’on entend dans la bouche des enfants et des illettrés : et boivons rempla-

  1. Il faut cependant ajouter que des alternances comme je lève, nous levons, rappellent quelque chose de l’ancien usage.