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Déjà un manuscrit du XIIIe siècle a recueilli un glossaire latin-français par matières, sorte de nominale, rédigé en Angleterre. Et à la fin du même siècle ou au commencement du suivant, Gautier de Biblesworth réunissait pour une grande dame, Dyonyse de Monchensy, un certain nombre de mots dont il voulait enseigner le sens, le genre et l’orthographe[1]. C’est là l’origine de la lexicologie française[2].

On rencontre aussi à cette époque des « manuels de conversation » à l’usage des voyageurs, tels qu’on en verra régulièrement paraître en toutes langues jusqu’à nos jours. Le plus ancien de ces guides est la Manière de langage, que M. Paul Meyer a publiée d’après un manuscrit du Musée Britannique. Il a été écrit à « Bury St Esmon en la veille de Pentecost, l’an de grâce mil trois cenz quatre vinz et seize[3]. »

Enfin, on a imprimé de nos jours de petits manuels théoriques de grammaire, qui remontent au XV et au XIVe siècle. M. Stûrzinger en a publié un[4] qui a été composé par un Anglais, soucieux de ramener la graphie anglo-normande au type français, entre le milieu du XIIIe et le milieu du XIVe siècle. C’est la


    Raymond Vidal et Hugues Faidit, mais aucune grammaire française. L’a. b. c. est toutefois un sujet sur lequel plusieurs trouvères se sont exercés. V. Jubinal, Contes, dits et fabliaux, II, 273 et note F.

  1. Publié par Wright, A volume of vocabularies, London, 1837, 4°, p. 142-174.
  2. M. Paul Meyer remarque avec raison que les traités d’Alexandre Neckam et de J. de Garlande (publiés par Scheler, Leipzig, 1867) ont pu, à cause des gloses qu’ils contiennent, servir déjà à l’étude du français.
  3. Revue critique, 1870 p. 382 et suiv. Supplément paru en 1873. Cf. Stengel. Ztschft. für neufr. Sprache u. Litteratur, l, 4-15. En voici, à titre de curiosité, un extrait ;

    « IX : Quant un homme encontrera aucun ou matinée, il luy dira tout courtoisement ainsi : « Mon signour, Dieux vous donne boun matin et bonne aventure ! » Vel sic : Sire, Dieux vous doint boun matin et bonne estraine. — Mon amy. Dieux vous doint bon jour et bonne encontre. » Et a mydy tous parlerez en cest manière : « Mon sr, Dieux vous donne bon jour et bonnes heures ! » Vel sic : « Sire, Dieux vous beneit et la compaignie ! » A piétaille vous direz ainsi : « Dieux vous gart ! » Vel sic : « Sta ben » vel sic Reposez bien. Et as œuvrers et labourers, vous direz ainsi : « Dieux vous ait ! mon amy » : vel sic : Dieux vous avance, mon compaignon. Bien soiez venu, biau sire. Dont venez-vous ? » Vel sic : « De quel part venez-vous ? — Mon sr, je vient de Aurilians. — Que nouvelles là ? Mon sr il y a grant débat entre les escoliers, car vrayement ils ne cessent de jour en autre de combatre ensamble. »

  4. Orthographia gallica, Heilbronn, Henninger, 1884. L’auteur ne parle pas seulement écriture ; il donne par endroits à son lecteur de véritables règles de morphologie et même de syntaxe :

    p. 21. « Item jeo, moy, nous, vous, luy, les, etc., seront escript[z] touz jours avant les verbes come vous vous aforcez, nous vous mandons, il vous prie, cil vous manace. »

    p. 27. « Item meus, tuus, suus quando adjunguntur masculino generi, debent scriby mon, ton, son, quando feminino ma, ta, sa. »