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NOTICE

Innocent III, parcoururent la France, en exhortant les fidèles à s’armer pour la guerre sainte. Le curé produisit beaucoup plus d’effet que le cardinal : doué d’une éloquence vive et populaire, aussi ardent que Pierre l’Hermite, aussi vertueux que saint Bernard, on le regardoit comme un prophète, on lui attribuoit même le don des miracles. Un manuscrit du temps, publié par Du Cange, nous donne une idée des triomphes extraordinaires qu’il obtenoit : « En sortant du chapitre général de Citeaux, il parla au peuple, dont la multitude innombrable entouroit le monastère, et se pressoit vers les portes. Il exhorta tout le monde à entreprendre le voyage de Jérusalem. Aussitôt, dit l’auteur, qu’on eut vu l’homme de Dieu portant lui-même le signe de la croisade ; aussitôt qu’on eut appris qu’il dirigeroit cette sainte entreprise, soudain la foule se précipite à l’envi sur ses pas, de toutes parts on l’entoure, on le presse ; les riches, les pauvres, les nobles, les bourgeois, les paysans, les vieillards, les jeunes gens, sans distinction d’âge ni de sexe, reçoivent de lui, avec des transports de joie, la croix sacrée qui les appelle au combat[1] ».

On a beaucoup déclamé contre cet enthousiasme qui entraînoit nos pères dans des expéditions loin-

  1. Exhortans eos de itinere Hierosolymitano conficiendo. Cumque populi conspicerent ipsum virum Dei fore cruce signatum, atque audirent illum affore ducem atque rectorem hujus sacri itineris, certatim ad eum undique concurrunt, et ex omnibus locis catervatim ruunt divites et pauperes, nobiles pariter et ignobiles, senes cum juvenibus, promiscui sexus, innumera multitudo, signum crucis ab eo alacriter suscipiunt.