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de l’empire latin.

tence avoit quelque chose de mystérieux : il se montroit peu, et paroissoit fuir les regards de ceux qui vouloient l’observer. Cet homme singulier excita la curiosité d’un gentilhomme du voisinage qui vint le voir et lui fit plusieurs questions. On parloit encore beaucoup de la dernière croisade, et de la conquête de Constantinople ; on prétendoit que l’empereur Baudouin s’étoit sauvé de sa prison en habit de franciscain ; et ce bruit se répandoit d’autant plus facilement que la comtesse Jeanne sa fille n’étoit pas aimée. Le gentilhomme interrogea l’hermite sur cet objet, et n’en put rien tirer.

D’autres gentilshommes eurent avec lui de longs entretiens, à la suite desquels il leur persuada, sans doute parce qu’ils désiroient que cela fut, qu’il étoit l’empereur Baudouin, heureusement sauvé des mains des Bulgares. Il fit une fable que leur inimitié pour Jeanne pouvoit seule rendre croyable : il prétendit qu’il étoit sorti de la prison de Ternove par l’entremise d’une jeune fille à laquelle il avoit inspiré de la pitié ; qu’en revenant en France il étoit tombé sept fois au pouvoir des barbares, d’où il s’étoit échappé par autant de miracles ; qu’il avoit été leur esclave à diverses reprises ; et qu’enfin, dégoûté des grandeurs humaines, il s’étoit décidé à terminer ses jours dans une solitude.

Les gentilshommes, qui paroissent n’élever aucun doute sur la vérité de ce récit, emmènent l’hermite à Mortain, et lui forment une cour ; ils le font ensuite reconnoître à Lille, à Valenciennes, à Tournay, à Courtray, à, Bruges ; le duc de Brabant lui rend hommage comme à son seigneur, et le jour de la Pen-