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SUR VILLE-HARDOUIN

doge. Quelque temps avant la révolution qui avoit rétabli Isaac sur le trône, et pendant que les Croisés assiégeoient Constantinople, la populace de cette ville avoit maltraité et pillé les marchands italiens et français qui demeuroient près du port. Ceux-ci en avoient conçu beaucoup de ressentiment. Aussitôt que la ville fut prise, ils coururent au-devant de leurs compatriotes, leur firent des plaintes amères, et leur demandèrent vengeance. Les soldats, contenus par leurs chefs, ne cédèrent pas d’abord à ces violentes suggestions ; mais, après le départ d’Alexis, la ville étant privée des troupes qui y maintenoient l’ordre, ces germes de trouble fermentèrent plus que jamais. Le 19 août, l’un des marchands italiens qui avoient le plus souffert, ayant chez lui un des soldats du comte de Flandre, se plaignit avec aigreur de la perfidie des Grecs. Il exagéra les vexations dont ses compatriotes avoient été l’objet, et les peignit sous les plus vives couleurs ; il raconta qu’en même temps qu’on avoit épuisé sur les Catholiques toutes les espèces de persécutions, on avoit accablé de faveurs les Sarrasins, et qu’on leur avoit même permis de bâtir une mosquée. Il n’en falloit pas plus pour exciter le zèle inconsidéré d’un Croisé du treizième siècle. Le soldat flamand rassemble aussitôt un assez grand nombre de ses camarades, et court assaillir le quartier des Mahométans. Surpris par cette attaque soudaine, les Sarrasins prennent d’abord la fuite ; mais le peuple embrasse leur parti, s’arme pour les soutenir, repousse les Flamands, les disperse et en fait un grand carnage. La rage s’empare de ces derniers : retranchés dans une maison, et sur le point d’y être forcés, ils y